Le Grand Hôtel de Biarritz (1861)

Marie d'Albarade

Le Grand Hôtel de Biarritz, inauguré en 1861, est un véritable emblème de l'opulence et du prestige de la station balnéaire au XIXe siècle. Perché sur une falaise dominant l'océan, l’établissement, par ses dimensions impressionnantes, devient le premier palace de Biarritz. Son fondateur, Cyrille Gardères, cuisinier issu d'une famille modeste des Landes, a gravi les échelons grâce à son courage et à son talent visionnaire.

Dès ses débuts, le Grand Hôtel, également surnommé la Maison Rouge, devient un lieu incontournable pour la royauté européenne, les politiciens éminents, les industriels prospères, les écrivains célèbres et les artistes renommés. La noblesse russe y réside dans ses luxueuses chambres et salons. Malgré les troubles de la guerre de 1870 et la chute de l'Empire, l'établissement conserve son éclat, notamment grâce à l'ajout d'une nouvelle aile qui augmente sa capacité d'accueil.

Cependant, les excès dans ses investissements immobiliers plongent Cyrille Gardères dans des dettes insurmontables, le contraignant à céder le Grand Hôtel à une société anonyme, ainsi que d'autres propriétés, dont le Casino Bellevue et l’hôtel de France. Après sa disparition en 1885, les nouveaux propriétaires, Henri Bloch et Edgar de Porto-Riche, reprennent les rênes. L'hôtel maintient son prestige, continuant d'attirer une clientèle aristocratique jusqu'au début du XXe siècle. L'impératrice Élisabeth d'Autriche, surnommée « Sissi », y séjourne à plusieurs reprises, tandis que le roi Oscar II de Suède et de Norvège contribue également à la renommée de l'établissement. En 1903, Edgar de Porto-Riche fait démolir les maisons vétustes en bordure de la place pour y bâtir le Palais Bellevue, un cercle de jeux abritant des salons somptueux.

Mais les années fastes s’achèvent dès août 1914. Le Grand Hôtel, réquisitionné, est transformé en hôpital militaire bénévole et fonctionne ainsi durant toute la guerre. Pendant les Années folles, l’établissement attire le gotha international, dont les Américains, et retrouve son statut de centre de l'élégance et du raffinement. Après une période prospère marquée par l'impulsion du célèbre Bar Basque, d'un cabaret populaire et d'un grill-room en 1926, il connaît un déclin abrupt avec la crise économique de 1929.

Les années qui suivent sont marquées par des tragédies, notamment la Seconde Guerre mondiale, pendant laquelle il est réquisitionné par l'armée allemande et subit des dommages importants. Mis en vente à la fin des années 1950, le Grand Hôtel est massacré aux deux tiers. La partie nord-ouest, détruite en 1959, laisse la place à une résidence de style moderne au cours de l’année 1963. Deux ans plus tard, un second immeuble du même acabit va remplacer l’aile sud de l’hôtel Gardères.

Seule subsiste aujourd’hui la majestueuse aile de 1875, datée par deux cartouches sur sa façade. Véritable miraculée qui domine l’océan, toujours aussi royale avec ses murs de brique rouge, son chaînage clair, son encadrement de pierres blanches ; mémoire d’années glorieuses et de splendeur passée, héritage somme toute vulnérable de l’histoire de Biarritz…